Buds Penseur, Comin Tru jusqu’à la mort

Début juillet, Buds Penseur est passé se ressourcer quelques jours à Bruxelles après avoir été invité par son pote Zwangere Guy à partager une scène à Dour. Le Biennois et son groupe La Base se sont fait les dents dans le hip-hop underground pendant plus de 10 ans. Aujourd’hui actif autant en solo qu’avec psycho’n’odds qu’il partage avec Nativ, et avec une version restructurée de La Base, Buds est prêt à jouer des coudes et prouver qu’il possède une palette étoffée. On profite d’une session chez nos amis communs de Rare et leurs sapes vintage pour faire le point.




Pas trop compliqué de tenir le rythme entre tous ces festivals ?

Frauenfeld était une occasion de me tester en solo. J’ai joué des exclus de mon projet à venir, quelques classiques de La Base et les nouveautés psycho’n’odds avec mon collègue Nativ. J’avais pas mal d’appréhension, mais le public a répondu présent. Pour Dour, c’était un peu différent. Il y avait beaucoup plus de monde. On a bien fêté nos retrouvailles avec Zwangere Guy et nos autres potes belges. Ça fait toujours plaisir de revenir dans le coin.

Quelle est la prochaine étape avant l’album ?

Ma carrière en solo est toute neuve. Je voulais le sortir cette année, mais j’ai finalement décidé de prendre plus de temps pour développer mon univers. Se fixer une deadline est la pire façon de fonctionner si tu veux stimuler ta créativité. Du coup, avec Tru Comers, on a un projet boom bap qui est dans les fourneaux depuis quelques mois. On est à l’aise ensemble, notre façon d’opérer est naturelle. Ça me tenait vraiment à coeur de le faire. J’ai aussi un album en cours de production avec Nativ, et un autre via La Base. Je suis tous les jours en studio, j’ai accumulé assez de matière pour que le temps ne soit pas mon ennemi.

Aujourd’hui, La Base c’est toi, T-Sow et Tru Comers ?

Exactement. On était plus à l’origine, mais il y a eu des changements dans la constellation. C’est une nouvelle ère, un deuxième souffle. Toutes ces expériences avec le groupe font qu’on est motivés et prêts à avancer.

Comment expliques-tu l’impact que vous avez eu à l’international ?

Peu importe la musique que tu fais, si elle est authentique, originale et composée avec le coeur, les gens vont le ressentir. Le hip-hop est notre mode de vie jusqu’à la mort. C’est brut, sauvage. Il ne faut pas nier non plus le fait qu’une grande partie des consommateurs de rap à travers le globe ont toujours un amour pour le boom bap. Une de nos grandes forces est aussi d’avoir poussé le délire autant du côté musical que visuel. Ça a permis à beaucoup de monde de s’identifier à nous.

Tu connaissais déjà les Tru Comers avant de faire équipe avec en 2010 ?

Je vais te raconter notre première rencontre. Je trainais chez un pote plusieurs fois par semaine pour écouter des vinyles et fumer des joints. Un jour, il m’a montré un projet instrumental de Tru Comers en me disant qu’ils habitaient la ville voisine. J’ai trouvé ça dingue, je ne le croyais pas. Ce même pote a fini par organiser une fête sur son rooftop où Sperrow et X-Pert étaient présents. J’ai été les démarcher pour leur dire qu’on voulait vraiment bosser avec eux. Ils m’ont répondu qu’ils verraient plus tard, ils devaient déjà avoir eu pas mal de demandes de ce type. Quand ils ont fini par nous inviter en studio, on a débarqué à cinq et on a kické pendant plus de quatre heures. Ils étaient sur le cul. Quelque chose s’est créé. On savait qu’on allait rouler ensemble à partir de là. Depuis ce jour, ce sont mes frères.

Le format physique est quelque chose qui vous tient à coeur.

Je crois en la loi de l’attraction. Depuis que je suis bébé, je joue avec les vinyles de mes parents. J’ai toujours aimé ce que ça représentait. Tru Comers sortait déjà des galettes, donc ça s’est fait naturellement. Notre premier EP a été pressé à 300 pièces. On l’a fait par passion. On voulait créer notre classique personnel. Des gens l’ont converti et upload sur YouTube, sans eux on aurait peut-être gardé ça pour nous et quelques initiés.

Quelles sont les influences qui ont marqué ta construction artistique ?

Quand je suis chez moi, j’écoute du son des années 70. Que ce soit du jazz, de la soul, de la musique brésilienne… Je regarde aussi pas mal de films. Mes parents m’ont fait découvrir des classiques très tôt et j’ai continué de mon côté. Le vinyle qui m’a le plus marqué est sans doute Forca Bruta de Jorge Ben. Je peux aussi te citer Marvin Gaye et Curtis Mayfield. Dans ma famille, ça écoutait autant les Beatles, que les Rolling Stones ou du funk. Ces cultures m’ont progressivement amené vers le boom bap, il s’agit de l’essence même de la discipline. On utilise ce qu’on aime pour sampler et composer nos prods.

Ça t’a également amené vers les sapes.

Je suis passionné par la culture hip-hop, plus particulièrement de tout ce qui se passe du côté de New York. À force de faire mes recherches, de déchiffrer les clips, j’ai fini par découvrir les marques pionnières. Quand j’ai connu Sperrow en 2008, il était déjà là-dedans. Dans tout ce qui est Polo, Avirex… La hype pour ces marques n’existait pas encore. Il m’a introduit au lifestyle Lo-Life. À mes yeux, c’est un précurseur.

Comment expliques-tu le revival pour ces enseignes ?

La vie est composée de cycles qui ne font qu’aller et revenir. On a vécu un gros retour du boom bap avec l’école Joey Bada$$ et compagnie. Les gens se sont intéressés à cette culture, si bien que même les marques ont sorti des rééditions. Elles font partie de l’histoire et ne sont pas prêtes de bouger.

Opérer en solo te donne plus de contrôle sur tes idées ?

J’ai toujours été mon propre directeur artistique. Je me pose toujours avec les réalisateurs et les photographes. C’est important de participer à la création de mon univers et d’y représenter mes influences. J’ai plus de temps pour élargir mon univers en tant que Buds Penseur. À l’époque de La Base, j’amenais déjà les concepts sur la table. Que ce soit le nom du groupe, la métaphore de la constellation ou plein d’autres choses. Seul, j’ai l’occasion de pousser mes idées encore plus loin.

Clifto Cream a été une rencontre importante pour toi.

J’ai voulu travailler avec lui à l’instant où j’ai découvert l’un de ses clips. On s’est rencontrés et on est direct devenus potes. Nos visions et nos goûts étaient similaires. Dès que je suis sur Paris, j’essaye d’aller le capter. Les gens avec qui je collabore sur la durée sont avant tout des amis.

Un peu comme avec Zwangere Guy.

C’est encore différent. Je le connais bien avant de faire du son. Bienne et Bruxelles sont des villes connectées avec une grande histoire d’amitié et d’échange. Je me sens comme à la maison à BX. J’y vois tout le temps mes gars de l’Or Du Commun, du 77, Roméo Elvis, Hicham… On est dans le même délire.

Comment ça se passe à Bienne ?

Il s’agit d’une petite ville ouvrière où il n’y a pas vraiment d’industrie. Les travailleurs n’ont pas les mêmes possibilités qu’à Genève ou Zurich. L’ambiance y est plus brute que dans le reste de la Suisse. Ça a beau être tout petit, il y a de toutes les nationalités. Je m’y suis construit, c’est une bonne école de la vie. Elle m’a donné la rage de réussir et a signé l’empreinte de ma musique. Malheureusement, peu de gens peuvent t’amener plus loin si tu y restes bloqué. Tu y es un peu livré à toi-même, mais ça te forge. J’y serai lié toute ma vie, mais je suis un vagabond, j’aime découvrir d’autres endroits.

Et psycho’n’odds, ça s’est formé comment ?

Je connaissais Nativ depuis un bon moment. C’est un musicien incroyable et je l’appréciais déjà de base. Il venait à nos concerts avant même qu’on ne se connecte. En studio, on s’impressionne mutuellement. Nous étions déjà amis depuis plusieurs années avant de fonder le groupe. On a fait un son comme ça, et maintenant on est sur un album. Il sortira le 17 janvier et s’appellera Radiation World. Les choses vont vite (sourire). Ce qui me fait le plus plaisir, c’est d’être en stud avec des potes et de n’avoir aucune limite. Je me défoule, je fais vraiment ce que je veux. Dans notre univers, tout est possible. On peut autant faire un morceau trap, que house ou garage.

Tu parlais de cycles un peu plus tôt. Qu’est-ce que le précédent t’a appris ?

Au départ, on faisait du son juste par passion, on ne savait même pas ce qu’était un contrat (sourire). Depuis, on a fondé notre société indépendante. J’ai compris comment fonctionnait l’industrie. Quand je l’analyse, je me dis que je peux en tirer profit tout en restant indé. On réalise tout en famille, c’est Comin Tru jusqu’à la mort ! La Base était un groupe de jeunes fous, on n’était pas conçus pour être industrialisés. L’underground nous a donné cette puissance.

Évoluer du boom bap vers des prods modernes a-t-il été simple pour toi et ton équipe ?

Une formalité. Je ne suis pas bloqué dans une case. Avec La Base et Tru Comers on fait du boom bap, mais en solo ou avec psycho’n’odds j’ai d’autres cordes à mon arc. J’en ai déjà discuté plusieurs fois avec les Tru Comers. Se diversifier ne peut qu’être bon pour notre processus de création. Ils maitrisent l’art du boom bap, ce qui ne les empêche pas d’être polyvalents. Je peux me caler en studio avec Sperrow et avoir une prod dans les 20 minutes, ce n’est pas un problème.

Justement, ça se passe comment en studio ?

J’essaye d’apporter ma touche et de porter mes idées, donc je communique beaucoup. Je veux amener un délire unique. Nativ m’a permis de grandir de ce point de vue. On a connecté nos façons de faire et ça a créé un nouvel univers. J’ai la chance d’être entouré par des gens talentueux, j’en suis très reconnaissant. Ils me poussent à devenir meilleur.

Quelle démarche ça implique ?

Je garde cette influence du rétro. J’aime les vinyles, la sape vintage… Mais d’un autre côté, je suis matrixé par le futur. Je suis au fait de toutes les nouveautés. Ce que j’essaye d’amener est rétrofuturiste. Prends par exemple le style VHS. Ça a beau être à l’ancienne, avec certains effets tu peux le faire devenir futuriste. On en revient à Clifto, il est très fort dans ce délire.

Ton univers ne se limite pas qu’au son.

Ce n’est qu’un des aspects d’un artiste. Le visuel, le personnage que tu crées, tout ça est important. J’ai besoin de croire la personne que j’écoute pour ressentir sa musique. Les réseaux sociaux font que nous sommes proches des artistes. Avant, tout était plus mystérieux. La construction d’un monde cohérent est inévitable pour être complet.

Pour évoluer au stade que tu souhaites, il te manque quoi ?

Pas grand-chose. J’ai plusieurs projets de côté malgré le fait que je n’ai sorti que trois sons en solo cette année. Tu vas bientôt pouvoir découvrir les différentes facettes de ma personnalité. Le prochain, ce sera avec un producteur de Zurich, Melodiesinfonie, dans des ambiances jazz. Je suis bien entouré, ma famille dans la musique prend soin de moi. Je continue à mettre ma rage et mon vécu dans mes tracks. Je reste fidèle aux codes qui m’ont fait connaitre, et j’élargis ma vision.


Texte : Nathan Barbabianca

Crédit : Laura Brunisholz

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