Kobo, à visage découvert

Dans le numéro zéro du magazine, on abordait à travers notre dossier consacré aux newcomers du rap belge un personnage dont le mystère qui l’entourait n’avait d’égal que sa créativité. Kobo, locksé et masqué comme à son habitude, continuait à faire parler de lui que ce soit dans le Cercle de Fianso ou à travers différents freestyles. Fraîchement signé chez Polydor après avoir sorti l’ovni « Baltimore », l’artiste dévoile un album introspectif, celui du passage à la vie d’artiste.




Kobo nous gratifiait le 24 mai dernier de son premier album solo. 17 titres qui font le point de la vie passée et à venir de l’artiste, dont on ne savait presque rien jusque-là. Dans Période D’Essai, le Belge s’inspire de son vécu et pousse au maximum la réflexion sur sa situation : les rues de Bruxelles aux recoins sombres où il s’est construit, la passion qu’il voue à la musique et ses perspectives d’avenir suite à sa signature en maison de disques… Pour autant, le rappeur ne se sent qu’au départ d’une nouvelle trajectoire. Le plafond de verre qui le séparait de ses rêves est fissuré, et seul le public décidera de son sort.

Quitte ou double

Au début de son album, Kobo est au pied du mur. Ses projets précédents, avortés, l’ont découragé avant de faire naître une haine purificatrice chez lui. Décidé à tirer un trait sur les opportunités plus ou moins légales pour mettre à l’abri les siens, il prend le chemin de l’industrie tout en connaissant les risques que cela implique. Plus qu’un premier jet introspectif, il s’agit d’un pari culotté. Comme il le laisse entendre en concluant son « Introspection » par un « premier album dans les bacs, la volonté du ciel soit faite ».

Le Bruxellois n’a pourtant pas choisi d’emprunter cette voie par hasard. Il n’est pas de ceux qui font du son par simple ambition pécuniaire. Kobo aime la musique, mais ne néglige pas le bif. À force de nuits blanches en studio et à rider discrètement sa ville, l’artiste touche ce pour quoi il a tant travaillé du doigt en major, avec toutes les questions qui entourent ce nouveau chapitre.

Désormais sous le feu des projecteurs, Kobo souhaite s’affirmer sur le long terme. Une prouesse que peu réalisent. Il le sait, ce milieu est infesté de squales sans pitié qui repèrent l’odeur du sang à des kilomètres à la ronde. Qu’importe, ce ne sont pas quelques nouveaux faux amis cupides qui l’arrêteront en plein élan. Pour éviter tout pistage, le mystérieux rappeur se fond dans un style de vie solitaire et nocturne qui imprègne une grande partie du projet. Il y fuit les fantômes du passé, ceux qu’il côtoyait par fatalité lors des mois de vache maigre. Une peur de reprendre ses vieilles habitudes qui s’efface progressivement, comme le traduit habilement le triptyque de sons « Koboy », « Désillusion » et « Baltimore ».

Convaincu de sa capacité à briller, le jeune homme profite de cette course contre la montre pour donner des indices et dissiper l’épais nuage de brume qui l’entoure. En se remettant perpétuellement en question, il dévoile des fragments de sa personnalité et fait peu à peu tomber le masque qui le représentait.

Mask off

Avant Période D’Essai, Kobo n’avait jamais dévoilé son vrai visage. Or, première chose qui frappe sur la cover, le rappeur laisse son cache-nez de côté et brise définitivement la symbolique qui visait à le protéger du monde extérieur.

Il l’annonce : ce projet est une remise en question personnelle, une thérapie émotionnelle dans laquelle il n’utilise aucun filtre et raisonne avec sagesse. Fait assez drôle pour le souligner, son premier album est déjà celui de la maturité tant le Belge prend son art au sérieux. Il veille d’ailleurs à ne pas le travestir. La musique lui permet d’entrevoir un avenir moins sombre, elle est également la seule qui lui offre un moyen de mettre des mots sur ses émotions. Car dans la street, compliqué d’ouvrir son cœur. Les ratpis n’ont que l’oseille en ligne de mire et quelqu’un qui en montre trop signe souvent son arrêt de mort.

De son passé cellophané, le Bruxellois ne garde que le côté charbonneur hors-pair. Son principal tour de force est de relativiser ses expériences sans pour autant adopter un ton moralisateur. Il se contente de poser un objectif sur différentes scènes de sa vie, et laisse l’auditeur se forger son propre avis.

La vie d’artiste, quant à elle souvent fantasmée de strass et de paillettes, s’apparente davantage pour lui à une longue quête pour trouver des réponses à ses interrogations existentielles. Si la solitude permet de se transcender créativement, elle est aussi l’objet de hauts et de bas, comme il le souligne dans les titres « Succès » et « Vie D’Artiste ». Seul réconfort, les femmes, la liqueur et la weed grasse embaument les mélodies et finissent de tracer les contours de ce lancement réussi.

Avec Période D’Essai, Kobo pose la première pierre à l’édifice de sa carrière. Il signe un album complet, maîtrisé de long en large et assaisonné par des témoignages authentiques. Solitaire, mélancolique, l’artiste puise son inspiration dans un mode de vie qu’il décrit comme autodestructeur sans pour autant baisser les bras. Le plus dur reste à faire, mais le Bruxellois laisse avec ce premier jet l’impression d’être prêt à se battre et de n’avoir pas encore tout révélé.


Texte : Nathan Barbabianca

Crédit : Selene Alexa Pliez

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