Loveni : « Aujourd’hui si on le fait, on le fait vraiment »

En mai dernier, Loveni, membre du collectif Bon Gamin (avec Ichon et Myth Syzer), mixe dans le club Madame Moustache à Bruxelles. À cette occasion, nous le rencontrons pour le shooter et l’interviewer, comme convenu quelques jours plus tôt. Tout semble rouler comme une Lexus LS 400, mais ce soir-là, Loveni, rider chevronné, ne résiste pas à l’appel de la nuit bruxelloise. En clair, l’entretien tombe à l’eau. Une fois le Parisien rentré chez lui, nous parvenons tant bien que mal à organiser un Skype pour nous rattraper. Nouveau problème, on foire l’enregistrement. C’est la merde. Finalement, après une correspondance laborieuse d’un mois, Lov se libère pour refaire l’interview, cette fois-ci enregistrée avec trois micros…




Merci à toi de te prêter de nouveau au jeu. Comment vas-tu depuis notre dernière entrevue ?

Ça fait un partout (rires). À Bruxelles, j’avais disparu pendant la soirée et après t’as perdu l’enregistrement. Là, c’est la finale. Sinon, ça va tranquille. J’ai eu quelques dates entre temps. Je suis notamment revenu en Belgique pour le Supervue festival de Liège. On a joué avec Ichon et c’était lourd.

Tu as eu de bons retours du public pour ton projet Une Nuit Avec Un Bon Gamin ?

J’ai fait ça en indé totale et sans grosse promo donc je suis hyper content des réactions. J’appréhendais un peu de sortir mon premier EP solo parce que je suis présent depuis longtemps sur des morceaux et des mixtapes à droite à gauche.

Tu as pris le temps pour sortir ce premier opus.

Je n’étais pas prêt, pas assez mature dans ma musique. Je n’avais pas encore mon style et je pense que je me cherchais encore. Créer un EP est un exercice totalement différent. T’es jugé sur ta musique et pas juste sur un couplet. En plus, jusqu’au moment où j’ai bossé Une Nuit Avec Un Bon Gamin, je n’avais pas de studio. En avoir un m’a permis de rester concentré, de bosser ma musique sur du long terme et de ne pas faire juste une ou deux sessions par mois. C’est aussi pour cette raison que ça a mis du temps.

Bien avant Une Nuit Avec Un Bon Gamin, tu avais annoncé plusieurs projets qui avaient fini par donner la Lost Tape.

L’époque de la Lost Tape, c’est quand je sortais des sons sur SoundCloud, enregistrés avec le micro de mon Mac (sourire). J’ai record « Joe Pesci » comme ça. J’avais prévu de faire une compil de morceaux et de freestyles, un truc sans ligne directrice. Au final, ça ne s’est pas réalisé et j’ai juste sorti quelques tracks. Après cette Lost Tape je devais drop un projet qui s’appelait XX Lov. Là encore, je ne l’ai pas publié parce que je n’aimais plus les sons. Je n’étais pas encore professionnel dans ma démarche. C’était une période où je n’avais pas de studio et tout était décousu : j’écrivais un truc, je le laissais traîner et ça ne me plaisait plus… Aujourd’hui, j’atteins un âge où si on le fait, on le fait vraiment.

Ton entourage est hyper présent sur ton jépro. Tu as du mal à t’en détacher ou tu as voulu la jouer en équipe ?

Je ne sais pas si j’ai du mal à m’en détacher ou si c’est une volonté, mais en tout cas c’est comme ça que j’aime travailler. J’aime l’émulation de groupe et l’énergie qui s’en dégage. Je ne suis pas un gars qui fait de la musique dans son coin, qui gratte tout seul le soir. La plupart des sons d’Une Nuit Avec Un Bon Gamin ont été record au studio. Ceux de mon prochain projet aussi. Il y a toujours un peu de monde au stud. À chaque fois je travaille avec les producteurs : on compose le beat en direct, on écrit… J’aime bien cette vibe, ne pas passer trop de temps sur les morceaux. Je préfère fonctionner comme ça, sur une soirée ou une après-midi, en one shot et que ça aille vite.

Qui sont Feujay, Brody et Mohammedream ?

Ce sont des potes qui gravitent autour de Bon Gamin. Feujay et Brody sont cousins et sont des membres du collectif No Rules Records. Ils organisent des soirées et créent du son. Brody est beatmaker et Feujay rappeur. Il y a aussi Cool Simson dans leur crew. C’est lui qui a produit « L’Arrière Du Uber ». Ce sont des mecs avec lesquels je travaille pas mal. Par contre, mon pote Mohammedream n’est pas du tout rappeur. Il était là le soir où on a fait « Dernière Fois » et il a écrit un couplet. Au début on le charriait, mais j’ai trouvé chanmé son texte et on l’a gardé. C’est aussi un mec qui m’aide dans tout ce qui est DA, que ce soit pour les clips, les pochettes, la musique ou dans le lifestyle. Il y a plein d’histoires que je raconte qui viennent de lui.

Tu as besoin de traîner avec les mecs avec lesquels tu collabores ? Je pense notamment à Ateyaba ou à la SuperWak Clique.

Je ne sais pas si j’ai besoin de rider mais il faut qu’il y ait une affinité. Il faut que je kiffe le taf du gars et qu’il kiffe le mien. J’aurais surement du mal à réaliser un feat si on m’envoyait un track déjà prêt par mail sur lequel je dois juste poser mon couplet. J’ai toujours rencontré les gars. En revanche, je n’ai jamais vraiment ridé avec Ateyaba. On se connaît depuis l’époque où il est arrivé sur Paris pour son premier projet Prêt Pour L’Argent. Nous avons un peu les mêmes influences musicales et on avait posté des morceaux obscurs sur MySpace (rires). Plus tard, nous avons de nouveau collaboré sur le son « Louper ». Aujourd’hui j’ai rarement l’occasion de le voir vu qu’il n’habite plus à Paname. Mais c’est un gars que j’apprécie. Musicalement, il a beaucoup fait pour le rap français. Concernant les gars de la SuperWak Clique, je les ai rencontrés la première fois à Lyon. Ils jouaient juste avant nous. J’ai capté leur énergie, ils étaient chauds de ouf ! Je respecte grave les artistes qui font le job sur scène. Depuis, nous avons enregistré un feat sur le projet Bisous Mortels de Syzer et d’autres trucs qui ne sont pas encore sortis.

C’est quoi la ride parfaite de Loveni à Bruxelles ?

À chaque fois que je suis venu, j’ai ridé sans trop savoir où j’allais. Quand je suis passé pour des concerts ou pour mixer, j’ai rarement dormi jusqu’à chopper mon train le lendemain (rires). Bruxelles c’est très chaud niveau réssoi. En général ça bouge un peu d’appart en appart. J’ai mon gars Fabien aka Kurt Broken qui m’accueille très souvent et qui me fait mixer. Et puis il y a une bête de scène musicale. Quand tu vois des gars comme Dabeul, Hamza ou Damso… Il se passe un vrai truc !

L’atmosphère de tes sons, c’est celle que tu vis à l’instant où tu écris ?

Ouais c’est ça. C’est comme ça que je conçois la musique. J’ai besoin que l’ambiance du moment où j’écris le morceau imprègne le track. Je pense que j’ai vraiment réussi à faire ça sur l’EP. « Relance » par exemple, on l’a produit dans le mood décrit dans le son : les gens dansaient et chantaient dans le studio. « L’Arrière Du Uber » on l’a fait lors d’une soirée où on a ridé en Uber toute la nuit. J’aimerais continuer à travailler de cette manière sur les projets à venir.

Tu peux parler un peu de ton processus d’écriture ?

Quand tu fais de la musique, tu réfléchis toujours à des phases et t’en mets de côté. Parfois, t’écoutes du son et tu te dis que tel texte va bien dessus et donc tu construis ton ceaumor autour de ça. C’est à mi-chemin entre l’écriture et l’impro. J’aime bien que les mots rebondissent, que ce soit sur le kick ou sur la caisse claire. C’est rare que je gratte un texte en amont. Je suis vraiment plus dans la rythmique que dans l’écriture pure et dure. J’écris comme si je composais une mélodie.

Pourquoi avoir finalement sorti l’Unreleased Mixtape de Bon Gamin ?

À la base, nous comptions envoyer l’album à la fin de la tournée de 2017, mais il y a eu les disques solo de chacun. Ensuite, plus on attendait, plus c’était compliqué de se remettre dedans. C’est long de faire un projet et si tu bosses seul sur des skeuds c’est compliqué. Puis, on s’est vus avec Ichon et Syzer. On s’est dit que c’était dommage de jeter ces pistes et que ça ne nous coûtait rien de drop le truc. Tous les sons datent de la période 2016-2017, il y en a certains qu’on aime vraiment bien. Après, nous n’avons pas fait un gros travail sur les mix ou la promo. Cette tape est surtout destinée aux gens qui nous suivent depuis le début.

Cette tournée de 2017, c’était pour vous roder ?

Exactement. Pour se faire la main, pour rencontrer le public et prendre du niveau. Nous faisions déjà des concerts, mais tourner et jouer toutes les semaines, c’est toute autre chose. On menait des shows d’une heure avec juste deux sons connus. Pas facile comme exercice. Ça nous a vraiment poussés à aller chercher les gens. À la fin du tour, nous avons joué aux Eurockéennes et à Dour. Les scènes y sont énormes, ça nous a beaucoup fait progresser.

Le track « Space Jam » avec Hamza a une histoire un peu particulière.

Déjà, le son s’est retrouvé sur YouTube un peu par ma faute. Je mixais pour Hotel Radio et j’ai passé le morceau. Il faut savoir que les mix ne sont même pas retransmis après. Sur les quelques personnes qui écoutaient, il y a un type qui a découpé le son en entier et qui l’a foutu en ligne. Deux jours après, je reçois des notifications de partout et je vois le leak sur YouTube. Je fais : « oua, c’est quoi ce délire ? » (rires). Syzer m’appelle et me demande comment ça se fait que « Space Jam » soit sorti. Je lui raconte l’histoire et il me dit que je suis trop con (sourire). Au final, on a décidé de mettre le feat sur l’Unreleased Mixtape parce qu’il date de 2016-2017 et qu’on le kiffe vraiment. De son côté, Hamza a validé. Il voulait que ce soit sorti dans de meilleures conditions, mais on lui a dit qu’on ne comptait pas faire de promo dessus. C’était vraiment pour les fans de la première heure.

Comment gères-tu le fait d’être un peu plus sur le devant de la scène ?

Je le vis bien. En soi il n’y a pas grand-chose qui a changé pour moi. Je peux sortir dans la rue tranquille sans qu’on me harcèle (sourire). Après, c’est lourd d’avoir plus de reconnaissance sur mon travail. J’ai plus de sollicitations pour des concerts, des projets… C’est plutôt cool car j’ai envie de travailler et de préparer la suite. En tout cas, ça fait du bien d’avoir sorti ce premier EP. Aujourd’hui, je bosse exclusivement mes sons, ou alors je mixe, ce qui me permet de gagner du blé et de ne pas travailler pas à côté.

Tu es un grand fan des Sopranos. Cette série t’a influencé ?

Yes, je me reconnais à fond dedans. Mon daron ressemble de ouf à Tony Soprano et ma daronne à Carmela. Je m’identifie grave au délire italien du New Jersey. J’adore les dégaines des gars, entre le sportswear et la haute couture. Les mecs sont aussi bien habillés en Fila qu’en Versace. Ce sont des types qui bossent en famille et c’est un truc que je veux faire dans ma vie. Il y a aussi Les Affranchis et tous les films de Scorsese de ce genre qui m’ont marqué. Dans les histoires, les gars ont toujours envie de s’en sortir autrement que par le système et ça, c’est sûr que ça me parle.

Qui est « le » Bon Gamin dans les Sopranos ?

C’est Christopher. Il a la dalle, il est putain de loyal, mais en même temps il a envie d’autre chose, de sortir de sa condition. Bien qu’il ne soit pas forcément fiable par rapport à ce que Tony attend de lui, il reste fidèle jusqu’au bout. Et puis il a une sensibilité plus développée que les autres. Son cœur est bon et au final, il respecte grave les meufs.

Dans « Tudo Bem », tu dis que tu as juste envie d’écouter ton CD préféré dans une voiture de luxe. C’est quel skeud ?

Sincèrement, ça dépend du mood. Aujourd’hui, par ce beau temps, je mettrais surement un des projets de Dom Kennedy vers 2010-2011, genre From The Westside With Love 2. Je peux l’écouter tout le temps.


Texte : Arthur Duquesne

Crédit : Nohad Sammari

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