Et si les rôles entre rappeurs et producteurs étaient inversés ? C’est le pari fou qu’a fait STO sur son dernier EP pour faire connaître sa musique à plus grande échelle. Le Lillois a invité les producteurs qui le suivaient à lui envoyer des remix de titres fédérateurs afin de les prendre en pied-nuque dans le booth. Résultat : un EP de six ovnis qui ne risque pas de finir sur les plateformes de streaming, faute de droits, mais qui va sans aucun doute retourner les réseaux sociaux et quelques salles de concert avant que l’artiste ne passe aux choses sérieuses en 2022.
Après un grand ménage dans sa discographie, une première mixtape de chauffe intitulée Trappist postée discrètement sur SoundCloud, suivie de la compilation #EnAttendantTrappist02 pour remercier ses fans, STO fait son retour et sort en milieu d’année un clip parmi d’autres. « Zoom » met en scène Lowonstage, producteur du titre et ami du daddy lillois, qui ne cesse tout au long de la vidéo de croiser le rappeur à chaque coin de rue, complètement obsédé par sa musique. Quelques mois plus tard, des choix de direction artistique audacieux et une maîtrise millimétrée des différents médias sociaux laissent présager que cette vision pourrait être prémonitoire. STO est en train de devenir ce qu’il a toujours annoncé être : le nouveau visage du Nord.
Brotherhood
STO et 2C sont rappeurs et frères de sang. Le lien entre les deux artistes a joué un rôle considérable dans la renaissance du daddy, tant son petit frère l’a aidé à passer un cap dans la diffusion de sa musique. Plus au fait de ce qui se passe sur la sphère digitale, son cadet lui a en effet permis d’utiliser les nouveaux codes du 2.0 à son avantage pour faire rayonner son art. Ce n’est pas la seule personne avec qui le rappeur roule. Il forme avec le producteur Lowonstage, le réalisateur Mobius Visio et d’autres acteurs le label Brotherhood, qui organise régulièrement des soirées trap sur Lille.
Depuis 2017 et la sortie du premier volume de Trappist, STO est sur une pente ascendante. D’abord timide sur le cloud, mais bourré de talent et de références, le rappeur n’hésite désormais plus à prendre les devants et s’afficher comme porte-étendard d’une nouvelle vague du 59 qui compte abattre un vent de fraîcheur extrême sur l’Hexagone. Dans le style, STO donne l’impression d’être à l’aise sur tout type d’instru. Tantôt sur de la house, tantôt sur de la trap… Impossible de prédire de quoi sera faite sa prochaine release, ce qui ne manque pas de créer un engouement autour de sa personnalité.
Dans son EP Remix, l’artiste donne en retour à sa communauté et invite six producteurs différents, soit un par titre. Sur « Lamamadelamama Remix », STO s’amuse : « Maintenant ça me demande si j’suis une entreprise ? » S’il n’en est peut-être pas encore à ce stade, cette année 2021 est la preuve qu’il est bien entouré. Rien n’a changé de Stonard à STO, le lifestyle est toujours authentique et la rime aiguisée. La famille et la débrouillardise sont deux thèmes qui ressortent principalement du projet.
Comme un sportif de haut niveau accompagné de son staff, juste avant de disputer le match de sa vie, le daddy donne l’impression de s’être affûté tout au long de l’année et d’atteindre sa vitesse de croisière. Le confinement lui a permis de partager énormément avec sa communauté, et ce dernier jet semble être le réglage final avant d’entrer sur le terrain pour montrer toute l’étendue de sa palette.
L1-L2-R1-R2
Cette année, STO et son équipe ont pris des risques payants en misant sur les réseaux sociaux pendant que le monde tournait au ralenti. Difficile de tirer son épingle du jeu tant le contenu a explosé avec le lockdown, mais ces derniers ont travaillé dur et redoublé de créativité afin d’atteindre nos radars.
Si Internet est parfois impitoyable, il peut s’y produire des phénomènes inédits. La plateforme Tik Tok a permis, tout comme Thriller dans une moindre mesure, à de nombreux artistes de gagner en lumière ces trois dernières années. Début 2020, c’était « The Box » de Roddy Rich qui connaissait une explosion sur le réseau grâce à ses deux notes stressantes au début de la prod, reprises à en créer un raz-de-marée. Plus récemment, Yeat a vu son titre « Gët Busy » monter en puissance avant d’être validé par Drake. Le rappeur a ajouté un son de cloche à la prod qui lui avait été envoyée et s’est fendu d’une line pour le meme : « This song was already turnt but here is a bell. » Il n’en fallait pas plus pour que la toile vrille.
Dans son projet, STO glisse habilement des références à ses auditeurs. Il reprend la pochette du Champagne Papi avec Certified Lover Boy et la détourne avec un émoji qui danse cagoulé en costard, tout à son image. Une cover qui parle à tout le monde et d’actualité au moment où l’EP drop. Les six tracks qui y figurent sont eux-mêmes des clins d’œil qui éveilleront la nostalgie et la curiosité de plusieurs générations.
Le daddy se fait plaisir et vise juste. Sa tape revisite à la fois des classiques d’Aznavour, de Stardust ou de Justin Timberlake, tout en passant par des nouveautés de Major Lazer ou d’El Alfa. Sur chaque son, STO reste fidèle à son style de découpe et montre qu’il peut plier n’importe quel riddim. Twentynights, Aurelio, NJ, Infraredbeatz, Vegas 808 et Anybxdy ont pourtant compliqué la tâche au rappeur en lui proposant des prods aux univers variés. Au-delà de la démonstration d’aisance, le plus important est de susciter votre intérêt et de vous pousser à aller en découvrir davantage à son sujet.
STO a commencé le rap en côtoyant Bekar, dont le succès l’a débridé en lui prouvant que seul le travail payait. Le daddy est tout sauf un arriviste. Il reste fidèle à ce qu’il est tout en se préparant pour la suite. Tik Tok n’est qu’un cheat code parmi d’autres pour passer le temps et atteindre le vrai but : Trappist 02, une mixtape déjà annoncée par l’artiste mais qui demeure toujours sans date de sortie pour le moment.
Texte : Nathan Barbabianca
Crédit : Roxane Peyronnenc